La formation professionnelle des agents publics connaît une évolution majeure avec l’introduction du Compte Personnel de Formation (CPF). Ce dispositif, initialement conçu pour le secteur privé, s’étend désormais à la fonction publique, soulevant des questions cruciales sur son application et sa réglementation. Découvrons ensemble les spécificités du CPF dans le secteur public et les implications pour les agents et les administrations.
Le cadre juridique du CPF dans la fonction publique
Le CPF dans la fonction publique est encadré par l’ordonnance n°2017-53 du 19 janvier 2017 et le décret n°2017-928 du 6 mai 2017. Ces textes définissent les modalités d’acquisition et d’utilisation des droits à la formation pour les agents publics. Selon ces dispositions, chaque agent public, qu’il soit fonctionnaire ou contractuel, bénéficie d’un crédit annuel d’heures de formation professionnelle, plafonné à 150 heures.
La mise en œuvre du CPF dans le secteur public s’inscrit dans une volonté de modernisation et d’harmonisation avec le secteur privé. Comme l’a souligné Amélie de Montchalin, ancienne ministre de la Transformation et de la Fonction publiques : « Le CPF est un levier essentiel pour développer les compétences des agents publics et favoriser leur mobilité professionnelle. »
L’acquisition des droits CPF pour les agents publics
Les agents publics accumulent des droits CPF à raison de 25 heures par année de travail, dans la limite d’un plafond de 150 heures. Pour les agents de catégorie C n’ayant pas atteint un niveau de formation sanctionné par un diplôme de niveau 3 (CAP, BEP), l’alimentation du compte se fait à hauteur de 50 heures par an, avec un plafond de 400 heures.
Il est important de noter que les droits acquis au titre du Droit Individuel à la Formation (DIF) avant 2017 ont été intégrés au CPF. Les agents ont eu jusqu’au 31 décembre 2020 pour les déclarer sur leur compte en ligne.
Les formations éligibles au CPF dans le secteur public
Le CPF peut être mobilisé pour suivre des formations diverses, à condition qu’elles s’inscrivent dans le cadre d’un projet d’évolution professionnelle. Sont ainsi éligibles :
– Les formations diplômantes ou certifiantes inscrites au Répertoire National des Certifications Professionnelles (RNCP)
– Les actions de formation sanctionnées par une certification inscrite à l’inventaire mentionné à l’article L. 335-6 du code de l’éducation
– Les formations permettant d’acquérir le socle de connaissances et de compétences défini par le décret n°2015-172 du 13 février 2015
Selon une étude menée par la Direction Générale de l’Administration et de la Fonction Publique (DGAFP) en 2020, 65% des formations suivies dans le cadre du CPF visaient l’acquisition de nouvelles compétences, tandis que 35% concernaient des projets de reconversion professionnelle.
La procédure de demande et d’utilisation du CPF
Pour utiliser son CPF, l’agent public doit suivre une procédure spécifique :
1. Élaborer un projet d’évolution professionnelle
2. Solliciter l’accompagnement d’un conseiller en évolution professionnelle (facultatif mais recommandé)
3. Adresser une demande écrite à son employeur, précisant la nature, le calendrier et le financement de la formation souhaitée
4. Obtenir l’accord de l’employeur sur le contenu et le calendrier de la formation
L’employeur dispose d’un délai de deux mois pour notifier sa réponse à l’agent. Tout refus doit être motivé et peut faire l’objet d’un recours devant l’instance paritaire compétente.
Le financement des formations CPF dans la fonction publique
Contrairement au secteur privé où le CPF est financé par une contribution des employeurs, dans la fonction publique, c’est l’employeur qui prend en charge les frais pédagogiques liés à la formation. Les frais annexes (déplacement, hébergement) peuvent également être pris en charge, mais ce n’est pas une obligation.
Le décret n°2019-1392 du 17 décembre 2019 a fixé des plafonds de prise en charge :
– 3 500 euros par action de formation pour un agent de catégorie A
– 2 500 euros pour un agent de catégorie B
– 1 500 euros pour un agent de catégorie C
Ces montants peuvent être dépassés si la formation s’inscrit dans le cadre d’une prévention de l’inaptitude physique.
Les spécificités du CPF pour les agents contractuels
Les agents contractuels bénéficient également du CPF, avec quelques particularités :
– L’acquisition des droits est proratisée en fonction du temps travaillé pour les agents à temps partiel ou non complet
– Les droits acquis sont conservés en cas de changement d’employeur public
– En cas de passage dans le secteur privé, les droits sont convertis en euros selon un taux de conversion fixé par arrêté ministériel
Maître Sophie Lebret, avocate spécialisée en droit de la fonction publique, souligne : « Le CPF représente une avancée significative pour les agents contractuels, leur offrant des opportunités de formation comparables à celles des fonctionnaires titulaires. »
Les enjeux et perspectives du CPF dans la fonction publique
La mise en place du CPF dans le secteur public soulève plusieurs défis :
1. L’adaptation des systèmes d’information pour gérer les compteurs CPF et les demandes de formation
2. La formation des gestionnaires RH aux spécificités du dispositif
3. L’articulation avec les autres dispositifs de formation existants (plan de formation, congé de formation professionnelle)
4. La sensibilisation des agents à l’importance de la formation tout au long de la vie
Selon une enquête menée par le Centre National de la Fonction Publique Territoriale (CNFPT) en 2021, 72% des collectivités territoriales estiment que le CPF a permis d’améliorer l’accès à la formation de leurs agents.
Pour l’avenir, plusieurs pistes d’évolution sont envisagées :
– Le renforcement de l’accompagnement des agents dans l’élaboration de leur projet professionnel
– L’amélioration de l’information sur les formations éligibles au CPF
– La simplification des procédures de demande et de validation des formations
– L’augmentation des plafonds de prise en charge financière pour certaines formations prioritaires
Le CPF dans la fonction publique représente une opportunité majeure pour les agents de développer leurs compétences et de construire leur parcours professionnel. Sa mise en œuvre nécessite une adaptation des pratiques et des mentalités, tant du côté des employeurs que des agents. Avec une réglementation en constante évolution, il est essentiel pour les acteurs du secteur public de rester informés et de s’approprier pleinement ce dispositif pour en tirer tous les bénéfices.
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